80 p. ISBN 978 293 0601 20 5. 12 euros.
Avec une note sur l’édition. 5 illustrations.
Sortie le 13 mai 2016.
« Les mahométans, selon les principes de leur foi, sont obligés d’employer la violence pour ruiner les autres religions, et néanmoins ils les tolèrent depuis plusieurs siècles. Les chrétiens n’ont reçu ordre que de prêcher et d’instruire, et néanmoins de temps immémorial ils exterminent par le fer et par le feu ceux qui ne sont point de leur religion. » Pierre Bayle, philosophe de la tolérance religieuse, identifait déjà, au XVIIe siècle, l’écart entre la parole et l’action, entre la croyance et la réalité. En exposant les préjugés assassins à l’aide d’une connaissance historique sans égale, il replace la vie du prophète et sa doctrine dans un contexte riche en pensées diverses, permettant au lecteur moderne de mieux saisir à la fois les limites du savoir de son temps et l’ouverture d’esprit bienveillante qui était la sienne. Ce texte est extrait de l’immense Dictionnaire historique et critique composé par Pierre Bayle à partir de 1697.
« Je déclare premièrement que cet ouvrage n’est point celui que j’avais promis dans le Projet que je publiais d’un Dictionnaire critique en l’an 1692. L’objection que j’avais le mieux prévenue et réfutée est celle à quoi l’on s’est attachée le plus pour condamner le plan que je voulais suivre, et peut-être y a-t-il eu bien des lecteurs qui ne l’ont trouvée bonne, que parce qu’ils remarquaient que je m’étais fort étendu à la combattre. Mais d’où que cela vienne, il n’eût point été de la prudence de se raidir contre le goût général ; et puisque tout le monde a jugé que presque toutes les fautes dont j’ai fait mention dans les articles du Projet importent peu au public, l’ordre a voulu que j’abandonnasse mon entreprise. […] Or voici de quelle manière j’ai changé mon plan, pour tâcher d’attraper mieux le goût du public. J’ai divisé ma composition en deux parties : l’une est purement historique, un narré succinct des faits ; l’autre est un grand commentaire, un mélange de preuves et de discussions, où je fais entrer la censure de plusieurs fautes, et quelquefois même une tirade de réflexions philosophiques ; en un mot, assez de variété pour pouvoir croire que par un endroit ou par un autre chaque espèce de lecteur trouvera ce qui l’accommode. »
Ainsi Pierre Bayle (1647-1706) présente-t-il brièvement son Dictionnaire historique et critique [1], dont la première édition a paru à Amsterdam en 1697. Le philosophe « sceptique » et écrivain, Français exilé aux Provinces Unies, plus connu aujourd’hui pour ses Pensées diverses écrites à un docteur de Sorbonne à l’occasion de la Comète qui parut au mois de décembre 1680 (1682 [2]) que pour son rôle d’agitateur d’idées au sein du périodique pan-européen qu’il avait fondé, les Nouvelles de la République des Lettres, avait déjà publié un Projet et fragmens d’un dictionnaire critique en 1692, chez Reinier Leers à Amsterdam [3]. Cette proto-version du Dictionnaire avait été imprimée dans un format in-octavo (soit à peu près l’équivalent du format d’une feuille A5 d’aujourd’hui), où le texte principal tenait en une colonne, découpé en paragraphe et complété par des notes marginales qui, parfois, compte tenu de leur longueur, envahissaient également les marges inférieures, et non seulement les grands fonds et petits fonds. Pierre Bayle assimilait son projet à un « dictionnaire de fautes » : « j’avais dessein de composer un dictionnaire de fautes : la perfection d’un tel ouvrage demande que toutes les fautes, petites et grandes, y soient marquées, car ce serait sans doute une perfection dans un dictionnaire de géographie et dans une carte si tous les bourgs et tous les villages y étaient marqués. Puisque donc que la meilleure manière d’exécuter mon projet eût été la plus exposée aux murmures du public, car elle eût multiplié les observations peu importantes, j’ai dû conclure à l’abandon du dessein ; j’ai dû croire que vu le goût qui est à la mode, il y avait dans le plan même de mon entreprise un vice réel que l’exécution n’aurait jamais pu guérir. Si je conteste quelque chose à ceux qui ont dit que la plupart des erreurs que j’ai censurées ne sont point de conséquence, c’est qu’ils supposent qu’elles n’étaient pas toutes de cette nature ; et moi je soutiens qu’il n’y en avait aucune qui fût importante et qu’encore que généralement parlant elles ressemblassent à celles qui ont été observées par les grands critiques, elles ne pouvaient rien contribuer au bien public. Ce n’est pas de là que dépendent les destinées du genre humain. Un récit plein de la plus crasse ignorance est aussi propre que l’exactitude historique à remuer les passions. Que dix mille personnes très ignorantes vous entendent dire en chaire que la mère de Coriolan obtint de lui ce que ni le sacré collège des cardinaux, ni le pape même, qui étaient allés au-devant de lui, n’avaient jamais pu obtenir, vous leur donnerez la même idée du pouvoir de la sainte Vierge que si vous n’avanciez pas une bévue. Dites leur, quoi, chrétiens ! Vous ne serez pas touchés de voir notre sauveur Jésus-Christ à l’arbre de la croix, tout meurtri de coups, et l’empereur Pompée fut bien ému de compassion lorsqu’il vit les éléphants de Pyrrhus percés de flèches ; vous ferez autant d’effet que si vous disiez de Pompée une chose très véritable. Il est donc certain que la découverte des erreurs n’est importante ou utile, ni à la prospérité de l’État, ni à celle des particuliers. Or voici de quelle manière j’ai changé mon plan, pour tâcher d’attraper mieux le goût du public [4]. »
Le projet initial, compte tenu entre autres de son format in-octavo, était d’une forme instable, peu pratique eu égard aux objectifs maximalistes de Bayle, cela poussa donc le philosophe à « changer de plan » et à opter pour un autre format et une mise en page différents, à la fois plus évolués et plus limpides. Déçu de cette première publication mais gardant cette même volonté de repérer, de corriger et de commenter les erreurs historiques des dictionnaires parus avant le sien (Bayle avait particulièrement en ligne de mire le Grand dictionnaire historique de Louis Moréri [5], qu’il jugeait truffé d’inexactitudes), le philosophe divisa sa composition en deux parties : l’une avec le texte principal de chaque article du Dictionnaire, « un narré succinct des faits », composé dans un bloc dont la justification équivaut à presque toute la largeur de la page ; l’autre avec des « Remarques », « un grand commentaire, un mélange de preuves et de discussions » composé en deux colonnes, sous le texte principal. C’est en ce lieu, dans ces double-colonnes de Remarques, que réside l’essence même du Dictionnaire, sa substance première où son auteur émende, commente, développe, fait œuvre de philosophie en s’étendant souvent bien au-delà de l’espace et de la thématique dévolus, ici là, à sa pensée, sans pouvoir s’arrêter, reportant là des Remarques qu’il n’a pu faire tenir ici, s’excusant parfois de ces boursouflures [6]. C’est à cette mise en forme graphique spectaculaire, où le tabulaire jongle avec le linéaire, où les notes historiographiques et bibliographiques envahissent les deux parties principales à l’instar des anciennes Bibles glosées, que le Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle doit sa singularité. Le « changement de plan » qu’évoque Bayle était en réalité une modification fondamentale de la forme graphique indispensable pour mener à bien son ambition intellectuelle. Cela l’amena à produire l’un des plus illustres dictionnaires de l’époque moderne. La fig. 1 reproduit un fac-similé de la page 256 du Dictionnaire, où se trouve l’article « Mahomet » ; la fig. 2 montre une double-page de l’édition imprimée de 1740 ; la fig. 3 détaille l’organisation graphique de l’espace graphique du Dictionnaire, recomposée pour la réédition partielle de l’ouvrage en 2015 [7] ; et la fig. 4 offre un détail de l’ouverture de l’article « Mahomet » de cette réédition. C’est parce que le Dictionnaire historique et critique est souvent cité (son article « Spinoza » a longtemps façonné la réception de la pensée de l’auteur de l’Éthique) mais malheureusement très peu lu (aucune réédition de cette grande œuvre avec sa mise en page originelle n’avait été publiée depuis 1804) que nous avons décidé de nous consacrer à cette réédition [8], en respectant le plus possible la maquette d’origine du Dictionnaire.
Ce travail graphique nous avait permis de redécouvrir des figures historiques assez étonnantes aujourd’hui oubliées (comme la très dévote Antoinette Bourignon), mais aussi de constater que l’article le plus long que Pierre Bayle, protestant engagé, ait jamais consacré à une figure religieuse ne concerne ni Martin Luther, ni Jean Calvin, mais un musulman du nom de Mahomet, même si comme à son habitude, quelle que soit la matière traitée, le philosophe s’en empare pour débattre de questions qui l’engageaient directement (l’éthique des polémiques entre catholiques et protestants, le rôle de la violence dans la religion – Bayle fut un polémiste aguerri et un adversaire redoutable dans les débats qui ont accompagné les conflits religieux de son époque). L’article « Mahomet », ici renouvelé sous forme de livre, est un sommaire précis de la réception européenne de l’islam par les érudits du Grand Siècle, à l’aube des Lumières. Par ailleurs, Bayle se prévaut d’une éthique de la lecture et de l’écriture, d’une éthique de l’usage de l’érudition (souvent illustrée par des discussions centrées sur la forme de tolérance exigée par le travail historique et critique), et d’une éthique qui s’inscrit dans ce que Milad Doueihi désigne comme « une épistémologie de l’erreur », qui informe toute l’organisation graphique et toutes les argumentations du Dictionnaire. L’erreur est l’objet principal de cette grande œuvre, qu’elle soit une erreur de fait, une erreur de doctrine en théologie, ou une erreur en politique. Cette économie intellectuelle et discursive de l’erreur agence la forme comme le fond du Dictionnaire historique et critique. Dans le cas de l’article « Mahomet », l’erreur porte principalement sur l’analyse des pratiques courantes au sein de la République des Lettres et du rôle qu’elles jouent dans dans la formation de l’opinion publique. L’économie intellectuelle de Bayle trouve sa plus simple expression dans les opinions du philosophe concernant la citation : « je crois qu’on peut réduire à deux les grands citateurs : il y en a qui se contentent de piller les auteurs modernes et de ramasser en un corps les compilations de plusieurs autres qui ont travaillé sur la même matière. Ils ne vérifient rien, ils ne recourent jamais aux originaux ; ils n’examinent pas même ce qui précède et ce qui suit dans l’auteur moderne qui leur sert d’original ; ils n’écrivent point les passages ; ils marquent seulement à leur imprimeur les pages des livres imprimés d’où il faut tirer ces passages… Il y a d’autres citateurs, qui ne se fient pas qu’à eux-mêmes ; ils veulent tout vérifier, ils vont toujours à la source, ils examinent quel a été le but de l’auteur, ils ne s’arrêtent pas au passage dont ils ont besoin, ils considèrent avec attention ce qui le précède, ce qui le suit. Ils tâchent de faire de belles applications et de bien lier leurs autorités ; ils les comparent entre elles, ils les concilient, ou bien ils montrent qu’elles se combattent. D’ailleurs ce peuvent être des gens qui se font une religion, dans les matières de fait, de n’avancer rien sans preuve. »
La religion de Bayle fut donc tout autant le protestantisme que celle du bon citateur. Le bon usage de la citation, particulièrement mis en évidence dans l’article « Mahomet », ne peut qu’avoir des effets positifs, même dans les cas où les textes cités reproduisent de fausses accusations, des mensonges, des idées irrecevable ou choquantes, voire des obscénités, car la citation est un témoignage, témoignage de la pensée de l’autre, de la genèse des croyances et des coutumes et de leurs effets sur la civilité et l’ordre social. C’est en partie ce qui explique la longueur de l’article « Mahomet », qui va parcourir toute la réception de la naissance de l’islam, la biographie et les légendes autour de son prophète, tout comme les idées reçues autour des moments clefs de son histoire et de ses relations avec les deux autres monothéismes. L’art de la juste citation va de pair avec cette autre pensée qui guide tous les engagements intellectuels de Bayle, et ce dans tous les domaines : une forme de responsabilité qui est comme la condition nécessaire de la tolérance. Cette responsabilité se matérialise à tous les niveaux son œuvre, de sa matérialité, de sa présentation, de sa structure, voire même de son intelligibilité. C’est cette responsabilité qui fonde l’éthique du philosophe historien. L’article « Mahomet » plaide, en fin de compte, pour une responsabilité qui doit être celle de l’historien, qui est de dire la vérité, ou du moins de documenter la vérité de ce qu’il expose. Derrière ce plaidoyer se trouve l’argument principal du Dictionnaire historique et critique : celui de la tolérance. Une tolérance non pas péjorative ou négative, mais plutôt celle capable d’accueillir l’autre et respectueuse du choix, qu’il soit individuel ou collectif, qui explique la diversité des croyances et des coutumes. C’est dans ce sens que « l’épistémologie de l’erreur » reste la grande contribution de la pensée de Pierre Bayle : l’erreur non plus de l’autre, mais de chacun qui perçoit dans la différence portée par un autre la légitimation d’une violence, d’un rejet et, en fin de compte, d’une négation du droit de penser et de croire autrement. C’est cette tolérance envers l’altérité qui nous a incité à rééditer l’article le plus long du Dictionnaire historique et critique sous forme de livre, à l’aube d’un nouveau millénaire où de violentes batailles religieuses font de nouveau partie du quotidien, non plus seulement dans les pays du Levant mais également en Occident [9].
Restait à résoudre une embarrasante question éditoriale et graphique : comment publier sous forme de livre un texte dont l’ossature intellectuelle et graphique ne se prête guère à être composée de manière isolée ? Si, comme nous l’avons vu, Pierre Bayle étaie son propos à l’aide de très nombreuses notes bibliographiques marginales, il excelle également dans l’art des renvois externes (un article renvoie à un autre ; une note bibliographique d’un article renvoie à une note, ou à une Remarque, d’un autre article ; une Remarque inachevée trouve sa conclusion dans la Remarque d’un autre article ; etc.). La structure arborescente du Dictionnaire historique et critique dans son ensemble, cette boîte à outils prodigieuse pour comprendre la cohérence de la pensée de Pierre Bayle et les débats du Grand Siècle, est vouée à disparaître lorsque l’on isole un seul de ses articles. Par ailleurs, le format du présent livre rendait impossible une mise en page respectant l’organisation graphique originelle du Dictionnaire. Un éditeur ayant l’intention d’offrir au lecteur un texte le plus lisible possible se voit contraint à des choix drastiques qui, sans aucun doute, s’éloignent d’une véritable édition scientifique – mais tel n’était pas notre objectif. Ergo, quelques précisions sur la présente édition s’imposent : de toutes les notes marginales (qui renvoient à des dizaines d’ouvrages), seules celles qui référencent une citation ont été conservées ; idem, ont été maintenues les notes où Bayle renvoie à d’autres sections du même texte (les renvois internes) ; en revanche, les liens vers d’autres articles du Dictionnaire (Abderame, Halibeig, Grégoire, Junon, Luther, etc.) ont été biffés, de même que ceux que Bayle fait à l’intérieur même de ses citations ; les notes originelles de Bayle que nous avons conservées sont en rouge ; les notes en noir et en maigre sont de notre main – il nous a semblé essentiel de révéler brièvement les philosophes, théologiens, écrivains, etc., convoqués par le philosophe afin de montrer l’étendue intellectuelle du travail historiographique du protestant français, de Djirdjīs al-Makīn, dit George Elmacin, historien arabophone de religion chrétienne du XIIIe siècle, à Jibrā’īl as-Sahyūnī, un Maronite du XVIIe siècle ayant pris part à la traduction en arabe de la célèbre Bible polyglotte (dite de Paris) ; les Remarques (« un grand commentaire, un mélange de preuves et de discussions »), l’essence même des articles du Dictionnaire composée en double-colonnes dans l’édition originelle, prennent ici tout l’espace de la page du livre, tandis que le texte principal (« un narré succinct des faits ») se trouve en haut de page ; les citations latines ont été vérifiées et corrigées à partir des textes originaux – quand bien même ces écrits comportaient parfois des erreurs, que nous avons conservées ; le texte original a été légèrement émendé de manière à le rendre plus aisément lisible pour un lecteur moderne (« Alcoran » a été modifié en « Coran », les « avoient » transformés en « avaient » ; certaines ponctuations ont été allégées ; les « & » sont devenues des « et » ; et cætera) ; les seules citations latines ici traduites sont les deux citations du Coran (page 23) [10].
Ipso facto, les choix draconiens que nous avons du assumer pour l’édition de ce petit opuscule engendrent un amer sentiment d’imperfection. Idéalement, il aurait été fructueux de reproduire, à l’intérieur d’une grande citation, l’article que Bayle consacre à La Mecque, ou celui dédié à Fatima-Zahra, la fille du prophète, ou encore celui consacré à Djirdjīs al-Makīn, que certains soupçonnaient à tort d’être musulman et de propager la foi musulmane alors qu’il était chrétien, son seul tort ayant été de s’intéresser à l’islam ; idem, il aurait été seyant pour l’esprit de rapporter ici certaines digressions du Sunnite Shihāb al-Dīn Abū l-’Abbās Ahmad ibn Idrīs al-Sanhājī (effleuré par Bayle) concernant la maslaha. Le Dictionnaire historique et critique voulait contribuer à l’éducation de l’opinion publique ; nous espérons humblement que la présente édition de ce Mahomet, malgré ses insuffisances, puisse participer à cet effort, à une époque où le Levant, lieu d’une violence religieuse inouïe, semble s’être éloigné de cette diversité intellectuelle et confessionnelle nécessaire au dialogue et au bien commun. Pactum serva.
Zones sensibles, cum Miladus,
Molenbeek-Saint-Jean, avril 2016
[1] Dans la Préface à la première édition de 1697, reprise ensuite dans les éditions suivantes, y compris dans la cinquième de 1740, publiée 32 ans après la mort de son auteur, considérée avec la quatrième de 1730 comme « les meilleures, et quant au texte, et quant à la clarté et à la beauté de la typographie » (Elisabeth Labrousse, Pierre Bayle et l’instrument critique, Paris, Seghers, « Philosophes de tous les temps », 1965, p. 183). C’est à partir du texte de cette cinquième édition qu’a été établie le présent texte de l’article « Mahomet » (toutes les références au Dictionnaire renvoient à cette cinquième édition).
[2] Garnier-Flammarion, Paris, 2007.
[3] Édition est consultable en ligne via Gallica.
[4] Pierre Bayle, Préface à la première édition du Dictionnaire historique et critique, Reinier Leers, Amsterdam, 1697.
[5] Louis Moréri, Le grand dictionnaire historique, ou Le mélange curieux de l’histoire sacrée et profane, Lyon, Jean Girin & Barthelémy Rivière, 1674, accessible en ligne via Google Books (ce dictionnaire connut de multiples rééditions jusqu’en 1759, la dernière édition parue cette année-là, à Paris, chez Les libraires associés, est également accessible en ligne via l’ARTFL).
[6] Comme à la fin de l’article « Rorarius » : « cela me fait prendre la liberté de mettre ici quelques Suppléments, quoi que je n’ignore pas qu’il y a beaucoup de lecteurs qui ne s’en soucieront guère et qui les appelleront des excroissances. Ils n’auront pas sujet de donner ce nom aux notes que je veux faire sur les réflexions de M. Leibniz, que l’on a vues dans le Journal de M. Basnage, car ces notes sont une suite naturelle et nécessaire de l’un des endroits de la première édition de cet article. J’espère qu’elles serviront d’occasion pour développer une matière qui n’est pas moins difficile qu’importante. »
[7] Pierre Bayle, Dictionnaire historique et critique. Miscellanea Philosophica, Les Belles Lettres / École supérieure d’art de Cambrai, Paris-Cambrai, 2015. Conception graphique : The Theatre of Operations. Présentation d’Alexandre Laumonier. Cette présentation, ainsi que des extraits du texte lui-même sont accessibles (en PDF) sur le site du Theatre of Operations.
[8] Les articles (sélectionnés par Alexandre Laumonier et Milad Doueihi parmi les centaines d’articles de l’édition de 1740) sont principalement consacrés à la philosophie et à la religion : Abélard, Anaxagoras, Aristote, Bacon (François), Bacon (Roger), Bourignon, Brachmanes, Charron, Chrysippe, Comenius, Démocrite, Diogène (de Babymone), Diogène (le Cynique), François d’Assise, Garasse, Heracleotes, Hobbes, Lycurgue, Machiavel, Mahomet, Maldonat, Manichéens, Marcionites, Molsa, Plotin, Quintilien, Rorarius, Sadeur, Savonarola, Spinoza, Xénocrate, Xénophane et Zoroastre.
[9] L’idée de cette réédition sous forme de livre de l’article « Mahomet » a germé peu après les attentats contre le journal Charlie Hebdo en janvier 2015. Les pénibles commémorations médiatiques d’événement funestes prenant de plus en plus la forme de reportages larmoyants et de tribunes éditoriales (journalistiques ou livresques) où chacun vient à appuyer son « opinion » sans ambage, il nous paraissait pertinent de publier le présent ouvrage en janvier 2016, comme une réponse intellectuelle et tolérante aux productions éditoriales qui, inévitablement, envahissent les débats à chaque anniversaire – une manière de lutter, avec et grâce à Pierre Bayle, contre la bouse intellectuelle et médiatique qui innonde l’opinion publique lors de ce genre de célébrations. Les éditions Zones sensibles étant à leur corps défendant liées aux récents événements engendrés par une nouvelle forme de guerre religieuse, puisque domiciliées dans cette commune funestement connue qu’est Molenbeek-Saint-Jean, les récents attentats perpétrés au nom d’un pseudo-islam nous ont fait réfléchir 1/ sur la pertinence d’éditer un texte sur Mahomet depuis un quartier gangréné par ce qu’il est de coutume de désigner aujourd’hui sous le vocable de « radicalisme » (la plupart des responsables des attentats de janvier 2015 et novembre 2015 à Paris, et de mars 2016 à Bruxelles, étaient nos proches – quoi qu’invisibles – voisins), et 2/ sur le juste moment de la parution de cet ouvrage. Il fut donc décidé d’attendre quelques mois afinde prendre davantage de recul face aux évènements.
[10] Nous remercions Benoît Grévin pour ces deux traductions. Les traductions latines du Coran en circulation à l’époque de Pierre Bayle étaient davantage des traductions-interprétations, parfois très éloignées du texte original. La traduction latine du Coran que Bayle avait sous la main était probablement celle de Theodor Bibliander (auquel Bayle consacre un article de son Dictionnaire), réalisée à Bâle en 1543 (cf. page 42), laquelle se basait sur la première traduction du Coran en latin réalisée par Robert de Ketton (ca. 1110-ca. 1160) . Ces traductions latine étaient très interprétatives et mélangeaient des traductions d’exégèse avec le texte du Coran lui-même. Les traductions en français de ces deux citations s’accordent donc avec les versions du texte sacré en circulation à l’époque de Bayle – nous avons choisi cette option plutôt que de citer une traduction contemporaine, qui aurait été trop éloignée des écrits auxquels Bayle et ses contemporains avaient accès (nul doute que Pierre Bayle aurait apprécié cette attention).